Descriptif de la démarche de diagnostic social :

Remarque : Tout au long du document, j’entends par « entreprise » toute forme d’organisation du travail (associations, entreprises, administrations, service public).

Objectifs

  • Par de l’information / formation, permettre à l’organisation, aux partenaires sociaux et à tous les collaborateurs de renforcer les facteurs protecteurs et de reconnaître et prévenir les situations et les facteurs de risques psychosociaux.

  • Diagnostiquer en collaboration avec les partenaires sociaux et l’encadrement les ressources et risques psycho-sociaux (RRPS) et proposer des plans d’actions -par service et transversaux- que la ligne managériale devra décliner en action (par priorité) et mettre en œuvre suivant des critères d’évaluation quantifiables et sous le contrôle de la direction générale et du Comité de Pilotage.

  • Permettre des prises de conscience collectives nécessaires à l’intégration des préconisations.

Méthode d’intervention :

Tout d’abord j’écoute la demande et prends connaissance des données sociales disponibles (taux d’accidents, d’absentéisme et turn-over ; accompagné d’une mise en comparaison avec des statistiques nationales sur des métiers identiques). Je réalise également un état des lieux de l’environnement de l’entreprise et du contexte de la demande ainsi que des démarches déjà engagées et des observations réalisées dans le passé.

Je soumets une proposition générale d’intervention.

Nous constituons alors un comité de pilotage (Compil) représentatif des différents métiers et des différentes strates hiérarchiques de l’entreprise. Ensemble, nous clarifions les objectifs, les moyens, le planning d’intervention et coût de mon intervention. Ceci fait l’objet du contrat de prestation signé par la direction de l’entreprise.

Les collaborateurs appartenant au Compil ainsi que les encadrants reçoivent ½ journée de formation sur l’articulation de la démarche de diagnostic (description des principaux risques, des méthodes de recueil par entretiens de groupe, et les grandes lignes des modèles psychosociaux utilisés). À tour de rôle, un membre du compil m’assiste dans l’animation de chacun des focus groupe.

Observation des situations de travail (pour les services concernés par le diagnostic) par entretiens collectifs semi-directifs. Cette approche qualitative pourra éventuellement être complétée par une enquête par questionnaires permettant une quantification par analyse statistique de la situation et analyse de corrélations entre différents facteurs (divers indices de qualité de vie peuvent être croisés avec des indices de motivation / implication/ absentéisme/ variation de productivité) pouvant laisser supposer un lien de causalité. Ce qui permet de hiérarchiser les axes de changements prioritaires. L’analyse statistique corrélative montre souvent que les indices explicatifs du mal-être au travail ne sont pas toujours ceux perçus par les représentants sociaux et par la direction.

Les entretiens semi-directifs

Les focus groupe intègrent sinon tous, au moins un échantillonnage représentatif du personnel de l’unité de travail audité. Les encadrants participent également aux groupes de parole, considérant qu’ils contribuent à la qualité de vie au travail (QVT) au même titre que l’ensemble des salariés. De plus, leur vision globale contribue à clarifier les processus de travail et de son exécution. Je garantis également une répartition de la parole qui donne à chacun sa place dans l’expression collective. L’ensemble des participants peut également, s’il le souhaite, s’adresser individuellement aux membres du Compil conduisant avec moi la démarche et / ou me contacter par mail tout au long de la démarche diagnostic.

Méthodes et modèles mobilisés :

Ces entretiens structurés autour de questions ouvertes, sont organisés sur le modèle défini par le collège d’experts sur les RPS présidé par Michel Gollac (2011). Ce rapport précisait que « L’interrogation directe des travailleurs est la forme optimale, bien qu’imparfaite, de recueil d’informations sur les facteurs psychosociaux de risque au travail. ».

J’explore la relation au travail suivant six dimensions : L’activité, le lien social, le lien managérial, l’organisation, le lien à l’emploi et l’environnement du poste. Les rapports et les analyses sont réalisés suivant le modèle de justice organisationnelle de Greenberg :

Ce modèle met en lien des conditions de qualité de vie au travail (des conditions de traitement social) qui impactent la motivation (donc l’implication) des salariés.

Cultiver un sentiment de justice organisationnelle renforce l’identification des collaborateurs à l’institution. Les organisations qui ignorent les préoccupations de justice organisationnelle courent le risque de voir baisser leurs résultats (qualitatifs et quantitatifs) ainsi que le sentiment de bien-être de leurs salariés. Lorsque les procédures sont perçues comme justes, cela participe à la cohésion du collectif et à l’adhésion des collaborateurs à la politique de l’organisation.

La perception d’iniquité conditionne la relation à l’emploi suivant 3 modes (selon le modèle de l’économiste Albert Hirschman) : la loyauté, ou la contestation, ou le départ.

Le sentiment d’équité entraîne une volonté de loyauté des employés envers l’organisation. Cette conviction mobilise l’implication. A l’opposé, pour stopper un sentiment d’iniquité, l’opposition ou la démission constituent le moyen de trouver un meilleur traitement. Encore faut-il que les conditions socio-économiques le permettent et que, réinvestir un nouveau cadre de travail garantisse un plus grand bénéfice que de stagner dans une organisation dans laquelle on ne se reconnaît plus. Rester dans une organisation où la perception de qualité de vie est basse génère du mal-être. Ce mal-être se traduit alors par une perte de motivation repérable par l’augmentation du taux d’absentéisme et d’accidents, associée une baisse de production et de la contestation.

La perception subjective de non-respect de l’équité, alors même que l’employé peut en être partie prenante, est systématiquement attribuée à l’organisation. C’est bien au plus haut niveau de l’organisation qu’il convient d’agir pour renforcer le sentiment de justice organisationnelle.

La justice organisationnelle s’organise autour de trois dimensions : La justice distributive, la justice procédurale et la justice interactionnelle.

La justice distributive

Pour Jerald Greenberg, il s’agit du sentiment d’être équitablement traité par l’organisation. Les critères d’évaluation et de récompenses de la part de l’organisation (conditions de recrutement, intégration, rémunération, promotion, adéquation du statut avec le niveau de compétences/responsabilités, …) sont clairement définis. La mise en application de ces critères est valable pour tous et visible par tous. Cette représentation sociale de justice est renforcée par la participation à la définition des objectifs à atteindre et des critères d’évaluation ayant trait à l’évolution de sa carrière. L’atteinte des objectifs donne-t-elle lieu à une reconnaissance institutionnelle (rémunération objective et/ou subjective) ?

La transparence sur les salaires et l’évolution de carrière est essentielle. Cependant, cette dimension peut engendrer un engagement calculé, qui ne constitue pas toujours le meilleur moyen de soutenir l’implication et le QVT des collaborateurs (la sur-rémunération limite le turnover mais n’améliore pas le bien-être). Néanmoins, je ne veux pas totalement ignorer la notion de justice distributive, car elle a toute sa place dans le diagnostic de la qualité de vie au travail et du soutien à la motivation.

La justice procédurale

La justice procédurale avance que la satisfaction est conditionnée par l’adhésion aux processus. Quelle est la perception des agents, quant aux moyens & méthodes utilisés ? Sont-ils propices à optimiser l’efficience des efforts investis ?

Les collaborateurs perçoivent positivement cette dimension de la justice lorsqu’ils ont le sentiment de participer aux décisions et contribuer au contrôle des processus.

Les décisions sont discutées, compréhensibles et prévisibles (conformes à l’éthique de la collectivité).

Quel est le processus de participation aux prises de décisions (réunion, vote, démocratie représentative, etc.) ? Dans quelle mesure l’organisation sollicite l’expression des points de vue ? Est-ce que l’on tient compte de l’opinion de l’opérateur dans le choix des méthodes et des moyens ? Comment l’organisation sollicite-t-elle l’engagement des agents dans les processus décisionnels ?

Pour Jerald Greenberg, quand l’individu participe au processus de décision, il renforce tant son engagement que son sentiment d’équité. Le collaborateur doit pouvoir bénéficier d’un échange d’information, exprimer une opinion (voire se justifier) et faire des réclamations. La justice procédurale réclame le respect de certaines règles : uniformité de mise en œuvre, absence de biais, exactitude de l’information, représentativité, éthique et possibilité de révision.

Le socle de valeurs partagées dans l’application des procédures constitue un déterminant essentiel à l’implication. L’entreprise a une large possibilité d’action à ce niveau. L’étude approfondie de cette dimension peut permettre de proposer des préconisations et des pistes de réflexions.

La justice interactionnelle

La notion de la justice interactionnelle se définit comme étant la qualité des relations interpersonnelles ainsi qu’entre l’individu et l’organisation. Jerald Greenberg a identifié deux sous-catégories de la justice interactionnelle : la justice informationnelle et la justice interpersonnelle qui se chevauchent considérablement. La justice informationnelle consiste en la mise à disposition des informations pouvant, de près ou de loin, influencer la mission des salariés. La justice interactionnelle recouvre la façon dont sont traités les collaborateurs : avec respect et dignité. Une proportion considérable des injustices perçues ne concernent pas les questions de distribution ou de procédure au sens étroit, mais évoquent plutôt la façon dont les gens sont traités au cours des interactions avec leurs collègues et leur hiérarchie de proximité.

Les décisions sont expliquées pour favoriser l’adhésion plutôt que la soumission.

Les sanctions sont expliquées et comprises tant par le collaborateur qui les reçoit que par le collectif de travail qui les observe. Car, un comportement inapproprié, non recadré, est perçu par le collectif comme une injustice commise par l’organisation.

De ces interactions découle un jugement de la part du salarié. Par la norme de réciprocité, si la perception est positive, implicitement, l’agent se sent redevable. Il s’engage à adopter des comportements bénéfiques à l’épanouissement des relations sociales.

C’est aussi ici que s’enracine la reconnaissance de la légitimité de son supérieur.

Cet échange social est une relation non contractuelle et donc tacite qui doit être initiée et encouragée par l’institution. Ainsi s’instaure un « savoir vivre » propice aux comportements bienveillants.

Figure 1: Schéma récapitulatif des dimensions et sous-dimension du modèle de justice

Communication et mobilisation des acteurs.

Les allers-retours entre les différentes strates hiérarchiques sont essentiels à la clarification de la situation et à l’élaboration de préconisation, à la fois réalisable et répondant aux besoins des équipes.

Le rapport d’analyse de la situation de travail de chaque service, est transmis au chef de service pour information et d’éventuelles propositions de correctifs. Il est ensuite présenté et discuté avec la direction de l’entreprise pour validation de préconisation (il ne s’agit pas de faire rêver les collaborateurs sur des transformations impossibles). Enfin, le rapport de l’unité de travail est rendu au groupe pour approbation et amendements éventuels (il n’est pas rare que la conscience collective autour de la QVT ait muri entre le moment du focus groupe et celui de la restitution, donnant lieu à des remarques plus approfondies).

En complément des comptes-rendus par service (et si le nombre d’unité de travail audité le justifie) un compte rendu longitudinal sur les RPS dans l’entreprise est remis à la direction et au compil.

Enfin, une réunion des cadres des services concernés par le diagnostic, est organisée sous l’autorité de la direction générale. Elle permet de s’emparer des préconisations. Pour chaque unité de travail, le responsable de service remet son plan d’actions :

  • Hiérarchisation des préconisations (selon l’urgence, l’importance, et la faisabilité).

  • Moyens à mobiliser.

  • Dénomination du responsable et acteurs associés à l’action.

  • Planning d’actions.

  • Indices tangibles d’avancement.

Ce programme est un exemple type d’accompagnement modulable en fonction des attentes, des besoins et des caractéristiques de la demande.

Durées.

Cet accompagnement débute sous un mois suivant la date d’acceptation de l’intervention. Pour conserver une dynamique, il convient de ne pas laisser s’écouler plus d’un mois entre le focus-group et la restitution. La mise en œuvre effective des préconisations doit débuter dans le trimestre qui suit le diagnostic.

Règles de déontologie et de confidentialité.

Toutes les informations concernant l’entreprise (organisation, procédés de fabrication, stratégie d’action…) dont nous pourrions avoir connaissance à l’occasion du diagnostic sont soumises au secret professionnel et ne peuvent être divulguées ni dans les services qui ne bénéficient pas de l’accès à ces informations en interne, ni en externe.

La démarche est centrée sur l’organisation et les processus de travail et relègue toute observation sur la personnalité du collaborateur aux entretiens individuels pour lesquels les collaborateurs du compil et moi-même sommes disponibles. Le cas échéant, ils sont orientés vers l’infirmière, médecin et psychologue du travail dont leur entreprise dépend…

Dans le cadre du diagnostic, les agents décrivent les caractéristiques de leur mission de travail, les atouts et les limites qu’ils y rencontrent, et qui sont propres à la fonction et à l’organisation. Tout autre agent qui occuperait le poste vivrait les mêmes conditions de travail que l’agent qui s’exprime. En outre, toute situation critique est collectivement objectivée avec précision (Quoi ? Quand ? Combien ? Où ? Qui ? Comment ? Pourquoi ?).

Autant moi-même que les partenaires avec lesquels je partage parfois les missions, n’avons aucun parti pris et abordons chaque situation dans la « neutralité bienveillante » prescrite par le code de déontologie des psychologues. Nous avons tous à la fois une formation et une expérience tant de la psychologie que de l’entreprise.

Les entretiens individuels et collectifs sont conduits dans le respect des droits de la personne et les informations sont communiquées et consignées de manière anonyme.

Nous respectons tous le secret professionnel et préservons la vie privée. Si notre travail et nos conclusions ne portent que sur l’organisation et la communication collective, il arrive que nous orientions certaines personnes vers des confrères pour un accompagnement personnel. Cette recommandation reste strictement confidentielle. Les notes prises lors des entretiens et les questionnaires remplis demeurent la propriété exclusive de notre cabinet. Ils sont détruits au terme de l’étude. Notre rapport écrit est remis au compil (représentants sociaux, encadrants, agents) et à la direction de l’entreprise.

Le code de déontologie des psychologues nous oblige néanmoins à dénoncer tout acte de malveillance pouvant mettre en péril  la santé des collaborateurs ainsi que le harcèlement et la discrimination. Nous encourageons alors les victimes à se faire connaître et nous les soutenons dans leur démarche.

Nos évaluations et nos conclusions évitent d’être réductrices et définitives et ne précisent jamais les caractéristiques individuelles d’un individu.

Jean-Louis Lamouille est psychologue du travail à Grenoble / Isère.
Il intervient sur toute la région Rhône Alpes en entreprise (Diagnostic social) pour la qualité de vie au travail, la prévention du burn-out, les risques psycho-sociaux.
Il pratique la sophrologie, la Gestalt-thérapie et la médiation.

Descriptif de la démarche de diagnostic social :

Remarque : Tout au long du document, j’entends par « entreprise » toute forme d’organisation du travail (associations, entreprises, administrations, service public).

Objectifs

  • Par de l’information / formation, permettre à l’organisation, aux partenaires sociaux et à tous les collaborateurs de renforcer les facteurs protecteurs et de reconnaître et prévenir les situations et les facteurs de risques psychosociaux.

  • Diagnostiquer en collaboration avec les partenaires sociaux et l’encadrement les ressources et risques psycho-sociaux (RRPS) et proposer des plans d’actions -par service et transversaux- que la ligne managériale devra décliner en action (par priorité) et mettre en œuvre suivant des critères d’évaluation quantifiables et sous le contrôle de la direction générale et du Comité de Pilotage.

  • Permettre des prises de conscience collectives nécessaires à l’intégration des préconisations.

Méthode d’intervention :

Tout d’abord j’écoute la demande et prends connaissance des données sociales disponibles (taux d’accidents, d’absentéisme et turn-over ; accompagné d’une mise en comparaison avec des statistiques nationales sur des métiers identiques). Je réalise également un état des lieux de l’environnement de l’entreprise et du contexte de la demande ainsi que des démarches déjà engagées et des observations réalisées dans le passé.

Je soumets une proposition générale d’intervention.

Nous constituons alors un comité de pilotage (Compil) représentatif des différents métiers et des différentes strates hiérarchiques de l’entreprise. Ensemble, nous clarifions les objectifs, les moyens, le planning d’intervention et coût de mon intervention. Ceci fait l’objet du contrat de prestation signé par la direction de l’entreprise.

Les collaborateurs appartenant au Compil ainsi que les encadrants reçoivent ½ journée de formation sur l’articulation de la démarche de diagnostic (description des principaux risques, des méthodes de recueil par entretiens de groupe, et les grandes lignes des modèles psychosociaux utilisés). À tour de rôle, un membre du compil m’assiste dans l’animation de chacun des focus groupe.

Observation des situations de travail (pour les services concernés par le diagnostic) par entretiens collectifs semi-directifs. Cette approche qualitative pourra éventuellement être complétée par une enquête par questionnaires permettant une quantification par analyse statistique de la situation et analyse de corrélations entre différents facteurs (divers indices de qualité de vie peuvent être croisés avec des indices de motivation / implication/ absentéisme/ variation de productivité) pouvant laisser supposer un lien de causalité. Ce qui permet de hiérarchiser les axes de changements prioritaires. L’analyse statistique corrélative montre souvent que les indices explicatifs du mal-être au travail ne sont pas toujours ceux perçus par les représentants sociaux et par la direction.

Les entretiens semi-directifs

Les focus groupe intègrent sinon tous, au moins un échantillonnage représentatif du personnel de l’unité de travail audité. Les encadrants participent également aux groupes de parole, considérant qu’ils contribuent à la qualité de vie au travail (QVT) au même titre que l’ensemble des salariés. De plus, leur vision globale contribue à clarifier les processus de travail et de son exécution. Je garantis également une répartition de la parole qui donne à chacun sa place dans l’expression collective. L’ensemble des participants peut également, s’il le souhaite, s’adresser individuellement aux membres du Compil conduisant avec moi la démarche et / ou me contacter par mail tout au long de la démarche diagnostic.

Méthodes et modèles mobilisés :

Ces entretiens structurés autour de questions ouvertes, sont organisés sur le modèle défini par le collège d’experts sur les RPS présidé par Michel Gollac (2011). Ce rapport précisait que « L’interrogation directe des travailleurs est la forme optimale, bien qu’imparfaite, de recueil d’informations sur les facteurs psychosociaux de risque au travail. ».

J’explore la relation au travail suivant six dimensions : L’activité, le lien social, le lien managérial, l’organisation, le lien à l’emploi et l’environnement du poste. Les rapports et les analyses sont réalisés suivant le modèle de justice organisationnelle de Greenberg :

Ce modèle met en lien des conditions de qualité de vie au travail (des conditions de traitement social) qui impactent la motivation (donc l’implication) des salariés.

Cultiver un sentiment de justice organisationnelle renforce l’identification des collaborateurs à l’institution. Les organisations qui ignorent les préoccupations de justice organisationnelle courent le risque de voir baisser leurs résultats (qualitatifs et quantitatifs) ainsi que le sentiment de bien-être de leurs salariés. Lorsque les procédures sont perçues comme justes, cela participe à la cohésion du collectif et à l’adhésion des collaborateurs à la politique de l’organisation.

La perception d’iniquité conditionne la relation à l’emploi suivant 3 modes (selon le modèle de l’économiste Albert Hirschman) : la loyauté, ou la contestation, ou le départ.

Le sentiment d’équité entraîne une volonté de loyauté des employés envers l’organisation. Cette conviction mobilise l’implication. A l’opposé, pour stopper un sentiment d’iniquité, l’opposition ou la démission constituent le moyen de trouver un meilleur traitement. Encore faut-il que les conditions socio-économiques le permettent et que, réinvestir un nouveau cadre de travail garantisse un plus grand bénéfice que de stagner dans une organisation dans laquelle on ne se reconnaît plus. Rester dans une organisation où la perception de qualité de vie est basse génère du mal-être. Ce mal-être se traduit alors par une perte de motivation repérable par l’augmentation du taux d’absentéisme et d’accidents, associée une baisse de production et de la contestation.

La perception subjective de non-respect de l’équité, alors même que l’employé peut en être partie prenante, est systématiquement attribuée à l’organisation. C’est bien au plus haut niveau de l’organisation qu’il convient d’agir pour renforcer le sentiment de justice organisationnelle.

La justice organisationnelle s’organise autour de trois dimensions : La justice distributive, la justice procédurale et la justice interactionnelle.

La justice distributive

Pour Jerald Greenberg, il s’agit du sentiment d’être équitablement traité par l’organisation. Les critères d’évaluation et de récompenses de la part de l’organisation (conditions de recrutement, intégration, rémunération, promotion, adéquation du statut avec le niveau de compétences/responsabilités, …) sont clairement définis. La mise en application de ces critères est valable pour tous et visible par tous. Cette représentation sociale de justice est renforcée par la participation à la définition des objectifs à atteindre et des critères d’évaluation ayant trait à l’évolution de sa carrière. L’atteinte des objectifs donne-t-elle lieu à une reconnaissance institutionnelle (rémunération objective et/ou subjective) ?

La transparence sur les salaires et l’évolution de carrière est essentielle. Cependant, cette dimension peut engendrer un engagement calculé, qui ne constitue pas toujours le meilleur moyen de soutenir l’implication et le QVT des collaborateurs (la sur-rémunération limite le turnover mais n’améliore pas le bien-être). Néanmoins, je ne veux pas totalement ignorer la notion de justice distributive, car elle a toute sa place dans le diagnostic de la qualité de vie au travail et du soutien à la motivation.

La justice procédurale

La justice procédurale avance que la satisfaction est conditionnée par l’adhésion aux processus. Quelle est la perception des agents, quant aux moyens & méthodes utilisés ? Sont-ils propices à optimiser l’efficience des efforts investis ?

Les collaborateurs perçoivent positivement cette dimension de la justice lorsqu’ils ont le sentiment de participer aux décisions et contribuer au contrôle des processus.

Les décisions sont discutées, compréhensibles et prévisibles (conformes à l’éthique de la collectivité).

Quel est le processus de participation aux prises de décisions (réunion, vote, démocratie représentative, etc.) ? Dans quelle mesure l’organisation sollicite l’expression des points de vue ? Est-ce que l’on tient compte de l’opinion de l’opérateur dans le choix des méthodes et des moyens ? Comment l’organisation sollicite-t-elle l’engagement des agents dans les processus décisionnels ?

Pour Jerald Greenberg, quand l’individu participe au processus de décision, il renforce tant son engagement que son sentiment d’équité. Le collaborateur doit pouvoir bénéficier d’un échange d’information, exprimer une opinion (voire se justifier) et faire des réclamations. La justice procédurale réclame le respect de certaines règles : uniformité de mise en œuvre, absence de biais, exactitude de l’information, représentativité, éthique et possibilité de révision.

Le socle de valeurs partagées dans l’application des procédures constitue un déterminant essentiel à l’implication. L’entreprise a une large possibilité d’action à ce niveau. L’étude approfondie de cette dimension peut permettre de proposer des préconisations et des pistes de réflexions.

La justice interactionnelle

La notion de la justice interactionnelle se définit comme étant la qualité des relations interpersonnelles ainsi qu’entre l’individu et l’organisation. Jerald Greenberg a identifié deux sous-catégories de la justice interactionnelle : la justice informationnelle et la justice interpersonnelle qui se chevauchent considérablement. La justice informationnelle consiste en la mise à disposition des informations pouvant, de près ou de loin, influencer la mission des salariés. La justice interactionnelle recouvre la façon dont sont traités les collaborateurs : avec respect et dignité. Une proportion considérable des injustices perçues ne concernent pas les questions de distribution ou de procédure au sens étroit, mais évoquent plutôt la façon dont les gens sont traités au cours des interactions avec leurs collègues et leur hiérarchie de proximité.

Les décisions sont expliquées pour favoriser l’adhésion plutôt que la soumission.

Les sanctions sont expliquées et comprises tant par le collaborateur qui les reçoit que par le collectif de travail qui les observe. Car, un comportement inapproprié, non recadré, est perçu par le collectif comme une injustice commise par l’organisation.

De ces interactions découle un jugement de la part du salarié. Par la norme de réciprocité, si la perception est positive, implicitement, l’agent se sent redevable. Il s’engage à adopter des comportements bénéfiques à l’épanouissement des relations sociales.

C’est aussi ici que s’enracine la reconnaissance de la légitimité de son supérieur.

Cet échange social est une relation non contractuelle et donc tacite qui doit être initiée et encouragée par l’institution. Ainsi s’instaure un « savoir vivre » propice aux comportements bienveillants.

Figure 1: Schéma récapitulatif des dimensions et sous-dimension du modèle de justice

Communication et mobilisation des acteurs.

Les allers-retours entre les différentes strates hiérarchiques sont essentiels à la clarification de la situation et à l’élaboration de préconisation, à la fois réalisable et répondant aux besoins des équipes.

Le rapport d’analyse de la situation de travail de chaque service, est transmis au chef de service pour information et d’éventuelles propositions de correctifs. Il est ensuite présenté et discuté avec la direction de l’entreprise pour validation de préconisation (il ne s’agit pas de faire rêver les collaborateurs sur des transformations impossibles). Enfin, le rapport de l’unité de travail est rendu au groupe pour approbation et amendements éventuels (il n’est pas rare que la conscience collective autour de la QVT ait muri entre le moment du focus groupe et celui de la restitution, donnant lieu à des remarques plus approfondies).

En complément des comptes-rendus par service (et si le nombre d’unité de travail audité le justifie) un compte rendu longitudinal sur les RPS dans l’entreprise est remis à la direction et au compil.

Enfin, une réunion des cadres des services concernés par le diagnostic, est organisée sous l’autorité de la direction générale. Elle permet de s’emparer des préconisations. Pour chaque unité de travail, le responsable de service remet son plan d’actions :

  • Hiérarchisation des préconisations (selon l’urgence, l’importance, et la faisabilité).

  • Moyens à mobiliser.

  • Dénomination du responsable et acteurs associés à l’action.

  • Planning d’actions.

  • Indices tangibles d’avancement.

Ce programme est un exemple type d’accompagnement modulable en fonction des attentes, des besoins et des caractéristiques de la demande.

Durées.

Cet accompagnement débute sous un mois suivant la date d’acceptation de l’intervention. Pour conserver une dynamique, il convient de ne pas laisser s’écouler plus d’un mois entre le focus-group et la restitution. La mise en œuvre effective des préconisations doit débuter dans le trimestre qui suit le diagnostic.

Règles de déontologie et de confidentialité.

Toutes les informations concernant l’entreprise (organisation, procédés de fabrication, stratégie d’action…) dont nous pourrions avoir connaissance à l’occasion du diagnostic sont soumises au secret professionnel et ne peuvent être divulguées ni dans les services qui ne bénéficient pas de l’accès à ces informations en interne, ni en externe.

La démarche est centrée sur l’organisation et les processus de travail et relègue toute observation sur la personnalité du collaborateur aux entretiens individuels pour lesquels les collaborateurs du compil et moi-même sommes disponibles. Le cas échéant, ils sont orientés vers l’infirmière, médecin et psychologue du travail dont leur entreprise dépend…

Dans le cadre du diagnostic, les agents décrivent les caractéristiques de leur mission de travail, les atouts et les limites qu’ils y rencontrent, et qui sont propres à la fonction et à l’organisation. Tout autre agent qui occuperait le poste vivrait les mêmes conditions de travail que l’agent qui s’exprime. En outre, toute situation critique est collectivement objectivée avec précision (Quoi ? Quand ? Combien ? Où ? Qui ? Comment ? Pourquoi ?).

Autant moi-même que les partenaires avec lesquels je partage parfois les missions, n’avons aucun parti pris et abordons chaque situation dans la « neutralité bienveillante » prescrite par le code de déontologie des psychologues. Nous avons tous à la fois une formation et une expérience tant de la psychologie que de l’entreprise.

Les entretiens individuels et collectifs sont conduits dans le respect des droits de la personne et les informations sont communiquées et consignées de manière anonyme.

Nous respectons tous le secret professionnel et préservons la vie privée. Si notre travail et nos conclusions ne portent que sur l’organisation et la communication collective, il arrive que nous orientions certaines personnes vers des confrères pour un accompagnement personnel. Cette recommandation reste strictement confidentielle. Les notes prises lors des entretiens et les questionnaires remplis demeurent la propriété exclusive de notre cabinet. Ils sont détruits au terme de l’étude. Notre rapport écrit est remis au compil (représentants sociaux, encadrants, agents) et à la direction de l’entreprise.

Le code de déontologie des psychologues nous oblige néanmoins à dénoncer tout acte de malveillance pouvant mettre en péril  la santé des collaborateurs ainsi que le harcèlement et la discrimination. Nous encourageons alors les victimes à se faire connaître et nous les soutenons dans leur démarche.

Nos évaluations et nos conclusions évitent d’être réductrices et définitives et ne précisent jamais les caractéristiques individuelles d’un individu.

Jean-Louis Lamouille est psychologue du travail à Grenoble / Isère.
Il intervient sur toute la région Rhône Alpes en entreprise (Diagnostic social) pour la qualité de vie au travail, la prévention du burn-out, les risques psycho-sociaux.
Il pratique la sophrologie, la Gestalt-thérapie et la médiation.